samedi 18 juillet 2009

Le "debate" autour d'Acadieman, man

La semaine dernière j'ai visionné des clips d'Acadieman, le first Superhéro de l'Acadie, création de Dano LeBlanc. J'ai ri, j'ai consulté le lexique, j'ai lu les diaries et j'ai fait comme les amis qui me l'ont signalé: j'ai envoyé le lien à toutes les personnes que je connaissais qui risquaient de ne pas en être au courant.

Je comprends parfaitement pourquoi Acadieman a touché tant de gens. C'est plus qu'une simple question de parodie du genre, ou que d'avoir un superhéros qui vit encore chez sa mère. C'est la langue qui allume et... qui fait jaser encore plus.

Le chiac en Acadie a beau soulever le dégoût d'une certaine classe de personnes et les porter au désespoir, c'est une façon de parler ancrée dans le milieu et que non seulement les gens comprennent, mais dans laquelle ils se reconnaissent avec plaisir et affection.

Une langue est faite pour évoluer. Si ce n'était pas de cet enseignant romain du début de l'ère chrétienne qui, frustré, a dressé une liste signalant qu'il faut dire ceci (le latin correct) plutôt que cela (le latin populaire), nous n'aurions pas une aussi bonne idée des origines exactes du français ancien ou moderne. Si les "fautes" en question n'avaient jamais été commises, nous n'aurions pas de français du tout. On dirait que trop peu de gens le savent, ou en acceptent ce qui en découle. Le français est le "chiac" du 5e siècle de l'ère moderne.

Si l'inquiétude est de voir s'envoler la langue universelle au profit de régionalismes qui limitent la compréhension dans des situations d'apprentissage, voilà un argument que je serais prête à comprendre bien davantage que celui qui dit qu'une langue doit rester figée dans la glace et n'admettre aucune couleur, aucune nuance, aucune influence extérieure. La pureté mène à la mort ou la faiblesse: les pur-sang sont toujours les plus malades et les créatures à sang mixte, les plus robustes.

Ceci dit, il est clair qu'une langue reste plus universelle lorsqu'elle est plus rapprochée de son état d'origine. Le latin classique est resté lingua franca pendant des siècles justement parce que le français, l'italien, l'espagnol et le roumain étaient devenues des langues dont les adeptes ne pouvaient plus se comprendre entre eux. Aujourd'hui, on peut dire de même du français "correct", qui devrait plutôt être qualifié de français universel. Le chiac est incompréhensible aux Haïtiens et aux Sénégalais... à peu près au même titre que l'argot parisien.  

Je me suis même aperçue que, Franco-ontarienne, je ne parlais pas la même langue que les Acadiens insulaires. Je me suis souvent demandée pourquoi la directrice du journal ne reconnaissait pas des mots que j'estimais élémentaires, tels que le mot "coque", tout en connaissant son équivalent anglais, "hull". C'est parce que dans certains cas, le vocabulaire hybride a bel et bien remplacé le vocabulaire français. La langue parlée n'est pas tout à fait la langue écrite, qui évolue plus lentement sauf sur Internet.

Cependant, même l'argument concernant l'apprentissage mérite d'être analysé davantage. Je soupçonne, personnellement, que tout désavantage pouvant découler des régionalismes est exactement le même que celui pouvant découler soit de l'assimilation, soit du manque d'apprentissage au complet. Autrement dit: les gens qui parlent une variation régionale du français et qui pourraient éprouver des difficultés à étudier ailleurs en français québécois ou universel sont probablement les mêmes qui auraient été assimilés complètement s'ils ne parlaient pas le français selon leur habitude, ou qui auraient éprouvé des difficultés à étudier en général.

Le cas échéant, ce qu'il faut, ce n'est pas de modifier la façon de parler des gens, mais plutôt d'ajouter à leur compréhension et d'encourager les gens à toujours ajouter à leur vocabulaire. Ça, c'est une bonne habitude dans toutes les langues. Y compris le chiac... Autrement, il faudra, dans certains cas, encourager le trilinguisme: donc, en plus du français régional, enseigner  le français universel comme on enseignait jadis le latin.

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