J'ai beaucoup écrit sur l'état de minorité, comparant la situation canadienne-française à celle des Noirs au Canada, par exemple. Cependant, je suis également féministe radicale, et je vois plusieurs parallèles entre les droits des minorités d'une part, francophones ou autres, et les droits de la femme, de l'autre.
C'est un sujet qui me préoccupe justement parce que mon père m'a élevée à me battre pour mes droits. Lui, il pensait aux droits francophones. Moi, j'ai vu que lorsqu'on parle des droits de la personne, des acquis, de ce qu'il faut respecter, et qu'on dit qu'il faut se battre pour ça, les questions entourant les inégalités de la condition féminine entraient forcément en jeu.
Je suis hors de la norme, de ce côté: non parce que la plupart des femmes francophones ignorent les enjeux de la gent féminine, mais plutôt parce qu'enfant, on m'a étiquettée "surdouée". J'étais, donc, minorité de minorité: surdouée (dans le deux pour cent le plus élevé de la population générale, des deux sexes ensemble, si on se sert de la mesure du Q.I.), femme, et francophone. J'ai donc subit toutes les ignominies des enfants différents des autres: je préférais les livres aux ébats sportifs, je voulais être seule plutôt que de me faire tourmenter et frapper par mes pairs dans la cour d'école. Ajoutons à cela que je faisais de l'embonpoint à huit ans, et que je portais des lunettes: mon isolement social était bien complet.
C'est donc sans ambages que j'ai relevé la lutte pour mes droits en tant que femme, autant que mes droits francophones, une fois arrivée à l'âge adulte. J'étais alors très habituée à me faire marginaliser. Qu'était-ce donc un obstacle de plus? Ajoutons à cela que dès l'âge de 16 ans, j'était devenue cygne après avoir été vilain canard. J'étais jolie! J'avais perdu mon poids d'enfant et j'étais intelligence et vivace, donc intéressante. Les hommes me regardaient, me donnaient de l'importance. Je ne me rendais pas toujours compte du fait que c'était pour me courtiser (façon bien polie de décrire leurs intentions, assurément). Je croyais réellement me faire prendre au sérieux. Je n'avais jamais gagné l'habitude du badinage et je ne comprenais pas la coutume. Ainsi, j'acquis toute une idée de mon importance et de mon efficacité personnelle. Bref: j'étais Dieue! Les gens me croyaient magnifique! Je devais donc l'être...
Après tout, j'étais manifestement une surdouée, et je poursuivais mon éducation avec beaucoup de succès, de bourses et d'admiration de la part de mes professeurs. L'avenir devait donc s'ouvrir devant moi comme le Ciel.
Erreur. Tout comme les minorités ethniques Noire et Hispanique aux États-Unis, les femmes partout dans le monde, y compris ici, rencontrent de multiples obstacles à leurs ambitions. Il existe maintes études pour démontrer cette tendance générale (dans le cas des personnes noires, voir http://www.nytimes.com/2009/12/01/us/01race.html?scp=7&sq=blacks&st=Search, en anglais malheureusement). Dans le cas des femmes, tel que démontré et analysé par Virginia Valian, les obstacles sont, la plupart du temps, subtils, encadrés par les schémas de sexe antiqués que la majorité de la population garde avec elle sans en être consciente (voir Virginia Valian, Why So Slow, 1999, pour une étude très étendue et détaillée de la situation). Ces schémas du comportement sexuel affectent aussi les hommes homosexuels, qui se trouvent lésés et défavorisés par l'association avec les comportements "féminins", au point où on pourrait carrément dire que les homosexuels souffrent du sexisme autant que les femmes.
Bref, mes multiples expériences m'ont beaucoup conscientisée. Je suis aussi consciente de la dépréciation du féminin que de la dépréciation de l'héritage francophone au Canada. Car les deux viennent de la même source: le privilège de la majorité, qui ne voit pas pourquoi les choses devraient changer.
dimanche 6 décembre 2009
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