mercredi 22 juillet 2009

History isn't just a long time ago

These days, I'm reading about the battle of the African-Canadian community against segregation in Canadian schools circa 1850.  It's a history very few people know, because we've spent so much time in Canada focusing on how heroic we were in welcoming slaves to freedom through the Underground Railroad. However, once the fugitives got here, their new home was far from a promised land. Black children were systematically excluded from common schools on pretexts ranging from the idea that they were "morally inferior" to the belief that people of African descent were "rude and uncouth" and would set a "bad example" for white children.  The book in which I learned this is A History of Immigration and Racism in Canada, by Barrington Walker (Canadian Scholars' Press, 2008). 

Yes, this happened here in Canada. Sure, it happened 150 years ago. But history is more than just "once upon a time". It leaves a lot behind. It creates who we are today.

The reason I mention this in a blog about bilingualism is because it reminds me so much of the battle we went through as Francophones to get our own schools. In a way, our struggle is opposite to that of African-Canadians, because while the majority historically opposed segregation, which was a deliberately exclusionary policy, our own community has needed French-language schools outside the English-language system. However, what makes both experiences very similar is the quest for access to quality education - and the devastation that a lack of such access wreaks upon communities.

Throughout the Francophone population outside Quebec, there are very high levels of functional illiteracy. In Ontario, it's 40 per cent. Here in Prince Edward Island, the average person reads at a Grade six level only. Even in New Brunswick, the most bilingual province in Canada, half the francophone population fails to complete high school, compared to 40 per cent of Anglophones. 

I remember my mother mentioning that my nanny, the woman who cared for me as an infant while mommy went to work,  couldn't read or write. She discovered this when the nanny in question told her she'd gotten a phone call, and when my mother asked her why she couldn't just take a message, admitted she was unable to do this. 

My mother was shocked. It turns out she was the exception to the rule. She was from a more privileged background, having attended a French Catholic convent school in Ottawa, the only way to get an education in French in Ontario before 1968. My father, on the other hand, attended the English-language Timmins High School - his only choice in order to get any education at all. He was the only one of three Francophones to graduate from Grade 12. All the others were weeded out, as somehow not good enough. Were they really? Or did their French last name, perhaps their accent, lead to automatic assumptions that they wouldn't cut it in an English school?

My father was keenly aware of his lonely status, and his situation and observations were a large part of why he battled for funding for French schools.

To this day, however, the lack of access to education, no doubt including the systematic exclusion of French children from English schools for generations, has contributed to the struggles of the French-language population in Canada outside Québec. High levels of illiteracy affect more than one generation, since parents who don't or can't read, won't read to their children - and it's been proven that this makes a difference in a child's development. 

In the Maritimes, the French-language population is at a marked socio-economic disadvantage, especially here on the Island, where only one French school still remained at the end of the 1970s and it took several battles to establish more, starting in 1997. 

It all makes a difference. Whatever happened a long time ago, still affects us today.



mardi 21 juillet 2009

Bataille à Rustico : les milieux « bilingues », l’identité culturelle et l’estime de soi

Il n’y a pas longtemps, un débat rageait à l’Île-du-Prince-Édouard au sujet de la construction d’un centre scolaire-communautaire à Rustico.  L’école avait été promise il y a plusieurs années et le modèle du centre scolaire-communautaire a déjà été mis en oeuvre, avec grand succès, ailleurs dans la province : Charlottetown, Summerside, Tignish.
Cependant, la province avait fait volte-face et insisté que les francophones de Rustico devaient se contenter d’une école seulement, et non d’un centre complet.  Puis, le Club des lions de Rustico, dont les locaux logent les classes francophones actuelles, s'est opposé à la construction d'une nouvelle école.  Le Club voyait d’un mauvais oeil s’envoler les milliers de dollars en loyer par mois qu’il recevait du Conseil scolaire  et ne voulait pas de concurrence d’un centre communautaire francophone.  Par conséquent, il a lancé une campagne contre la construction d’une nouvelle école française, déclarant qu’il fallait la garder où elle était. 
La campagne n’a pas porté fruit, malgré l’appui de la population, car la communauté francophone a droit à une école selon la constitution canadienne.  Cependant, l’opinion populaire a encouragé la province dans son refus de financer un centre à usage multiple et la question risque de se trouver devant les tribunaux.  C’est ce qui est arrivé à Summerside, Charlottetown et Tignish, et aujourd’hui, ces centres scolaires-communautaires sont très appréciés de leurs communautés.
Le tollé à Rustico, malheureusement, a aussi fait ressortir les extrémistes qui croient que les francophones devraient se contenter d’écoles bilingues, là où on offre quelques cours en français.  Pourquoi toute une école, rechignent-ils, lorsque cela coûte si cher?
Le pourquoi a été démontré à maintes reprises : lorsqu’une école est « bilingue », cela encourage la perte du français.  En côtoyant leurs homologues anglophones, les élèves de langue maternelle française ont vite matière à s’insécuriser, à manquer d’occasions d’utiliser et donc de renforcer et d’améliorer leur français, et à hésiter à s’en servir ou s’y identifier.  Les cours disponibles dans leur langue risquent d’être une arrière-pensée plutôt qu’une priorité. 
Dans une école bilingue, les jeunes francophones risquent davantage d’être exposés à une image négative d’eux et de leur culture, qui est «autre» et donc, importe moins.  Tandis que les francophones s’efforcent de plaire et de s’intégrer, les anglophones sont déjà le modèle par défaut, et apprennent rarement le français.  Leur situation majoritaire étant « normale », c’est le fait francophone qui paraît étrange, bizarre, pas cool...
Selon ce que j’ai moi-même observé, le phénomène de l’insécurisation identitaire et culturelle est directement proportionnel au degré de « minorisation » des élèves francophones.  Moins il y en a, plus il paraît difficile pour eux de s’affirmer et de se valoriser. Et plus ils paraissent manquer de confiance, de se trouver moins bons, moins beaux, moins brillants.
Pourquoi en parler maintenant, alors que la nouvelle date déjà de quelques mois? Fait peut-être curieux, cette réflexion m’est venue en lisant quelques articles sur les écoles « afrocentriques » à Toronto, forteresse du multiculturalisme canadien.  Je n’ai pu m’empêcher de songer au parallèle entre ces écoles et les nôtres, en milieu minoritaire.  La raison des revendications des parents afrotorontois est la même que la nôtre: ils se sont aperçus que leurs enfants perdaient leur estime de soi là où il manquait d'images positives de leur culture et de leur identité. C'est une leçon qu'il ne faut pas prendre à la légère.
Cependant, l'idée d'une école afrocentrique ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté afrotorontoise.  Une des inquiétudes des parents qui s'opposent à y envoyer leurs enfants est l'assurance de la qualité.  Malheureusement, il est vrai que les plus petites écoles ont souvent moins de ressources.  Il est également vrai que si un programme ou un genre d'école est traité comme une arrière-pensée plutôt qu'une priorité, il manquera de ressources.  Je me souviens de ma propre école secondaire, des brûleurs Bunsen brisés, du manque d'ordinateurs à jour, du manque de piscine ou d'installations pour l'apprentissage des métiers, et j'en passe... C'était, à l'époque, la seule école secondaire francophone de Toronto.  Je me souviens avoir souhaité plusieurs fois être transférée à une meilleure école avec davantage de ressources, soit une école anglophone, soit l'école des arts à Ottawa.  Mais la réponse n'est pas de déserter les institutions que nous pouvons créer.  La réponse est de ramasser ces brûleurs brisés, ces appareils antiques, et les brandir en manifestant contre le sous-financement.
Les parents afrocanadiens ont dû lutter contre les mauvaises conditions dans les écoles leur étant allouées dans le sud ontarien des années 1850s.  Sur ce, le mythe de l'antiracisme canadiens est mis à nu dans le traité The History of Immigration and Racism in Canada, de Barrington Walker (Canadian Scholars' Press, 2008, Université du Michigan). 
Sans doute, plusieurs parents afrotorontois craignent que l'Histoire ne se répète.  On peut comprendre leurs inquiétudes, et même les partager.  Pourtant, de nos jours, cela ne pourrait être passé sous silence.

samedi 18 juillet 2009

Le "debate" autour d'Acadieman, man

La semaine dernière j'ai visionné des clips d'Acadieman, le first Superhéro de l'Acadie, création de Dano LeBlanc. J'ai ri, j'ai consulté le lexique, j'ai lu les diaries et j'ai fait comme les amis qui me l'ont signalé: j'ai envoyé le lien à toutes les personnes que je connaissais qui risquaient de ne pas en être au courant.

Je comprends parfaitement pourquoi Acadieman a touché tant de gens. C'est plus qu'une simple question de parodie du genre, ou que d'avoir un superhéros qui vit encore chez sa mère. C'est la langue qui allume et... qui fait jaser encore plus.

Le chiac en Acadie a beau soulever le dégoût d'une certaine classe de personnes et les porter au désespoir, c'est une façon de parler ancrée dans le milieu et que non seulement les gens comprennent, mais dans laquelle ils se reconnaissent avec plaisir et affection.

Une langue est faite pour évoluer. Si ce n'était pas de cet enseignant romain du début de l'ère chrétienne qui, frustré, a dressé une liste signalant qu'il faut dire ceci (le latin correct) plutôt que cela (le latin populaire), nous n'aurions pas une aussi bonne idée des origines exactes du français ancien ou moderne. Si les "fautes" en question n'avaient jamais été commises, nous n'aurions pas de français du tout. On dirait que trop peu de gens le savent, ou en acceptent ce qui en découle. Le français est le "chiac" du 5e siècle de l'ère moderne.

Si l'inquiétude est de voir s'envoler la langue universelle au profit de régionalismes qui limitent la compréhension dans des situations d'apprentissage, voilà un argument que je serais prête à comprendre bien davantage que celui qui dit qu'une langue doit rester figée dans la glace et n'admettre aucune couleur, aucune nuance, aucune influence extérieure. La pureté mène à la mort ou la faiblesse: les pur-sang sont toujours les plus malades et les créatures à sang mixte, les plus robustes.

Ceci dit, il est clair qu'une langue reste plus universelle lorsqu'elle est plus rapprochée de son état d'origine. Le latin classique est resté lingua franca pendant des siècles justement parce que le français, l'italien, l'espagnol et le roumain étaient devenues des langues dont les adeptes ne pouvaient plus se comprendre entre eux. Aujourd'hui, on peut dire de même du français "correct", qui devrait plutôt être qualifié de français universel. Le chiac est incompréhensible aux Haïtiens et aux Sénégalais... à peu près au même titre que l'argot parisien.  

Je me suis même aperçue que, Franco-ontarienne, je ne parlais pas la même langue que les Acadiens insulaires. Je me suis souvent demandée pourquoi la directrice du journal ne reconnaissait pas des mots que j'estimais élémentaires, tels que le mot "coque", tout en connaissant son équivalent anglais, "hull". C'est parce que dans certains cas, le vocabulaire hybride a bel et bien remplacé le vocabulaire français. La langue parlée n'est pas tout à fait la langue écrite, qui évolue plus lentement sauf sur Internet.

Cependant, même l'argument concernant l'apprentissage mérite d'être analysé davantage. Je soupçonne, personnellement, que tout désavantage pouvant découler des régionalismes est exactement le même que celui pouvant découler soit de l'assimilation, soit du manque d'apprentissage au complet. Autrement dit: les gens qui parlent une variation régionale du français et qui pourraient éprouver des difficultés à étudier ailleurs en français québécois ou universel sont probablement les mêmes qui auraient été assimilés complètement s'ils ne parlaient pas le français selon leur habitude, ou qui auraient éprouvé des difficultés à étudier en général.

Le cas échéant, ce qu'il faut, ce n'est pas de modifier la façon de parler des gens, mais plutôt d'ajouter à leur compréhension et d'encourager les gens à toujours ajouter à leur vocabulaire. Ça, c'est une bonne habitude dans toutes les langues. Y compris le chiac... Autrement, il faudra, dans certains cas, encourager le trilinguisme: donc, en plus du français régional, enseigner  le français universel comme on enseignait jadis le latin.